Vous êtes déjà à découvert le 10 du mois, vos mensualités de crédit avalent tout votre salaire, et votre banquier vous parle plus souvent de « régularisation » que de solutions ? Vous n’êtes pas seul. Le surendettement touche chaque année des milliers de ménages en France, et la question qui revient sans cesse est la même : peut-on encore obtenir un crédit quand on est déjà surendetté ?
Réponse courte : dans la grande majorité des cas, non… du moins pas un crédit bancaire classique. Mais cela ne signifie pas qu’il n’existe aucune solution. L’enjeu, à ce stade, n’est plus de « rajouter du crédit » à du crédit, mais de reprendre le contrôle. Et pour ça, plusieurs pistes existent : dossier de surendettement, restructuration, aides sociales, négociation avec les créanciers, etc.
Voyons tout cela en détail, avec une approche pragmatique : ce qui fonctionne réellement, ce qui est risqué, et ce qu’il faut absolument éviter.
Être « surendetté » : qu’est-ce que cela signifie vraiment ?
Avant de parler de solutions, il faut savoir de quoi on parle. On confond souvent :
- Avoir un taux d’endettement élevé (par exemple 40 % ou 45 % de ses revenus en mensualités de crédit) ;
- Être en situation de surendettement au sens de la Banque de France.
Sur le plan juridique et pratique, le surendettement, c’est lorsque vous ne parvenez plus à faire face à l’ensemble de vos dettes non professionnelles (crédits, loyers, impôts, factures en retard, etc.), de manière durable. À ce stade :
- Les impayés s’accumulent ;
- Les rejets de prélèvement se multiplient ;
- Les organismes de crédit vous inscrivent au FICP (Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) ;
- Votre banque peut restreindre vos moyens de paiement (carte, découvert, chéquier).
Autrement dit : vous êtes dans le rouge structurel, pas ponctuel.
C’est souvent à ce moment-là que certains cherchent… un nouveau crédit pour boucher les trous. Mauvais réflexe dans 99 % des cas. Ce qui a mis le feu ne va pas servir à l’éteindre.
Peut-on obtenir un crédit quand on est surendetté ?
Disons-le clairement : un particulier fiché FICP ou en situation de surendettement a très peu de chances d’obtenir un prêt bancaire classique. Et ce, pour plusieurs raisons :
- Les banques sont légalement tenues de vérifier votre capacité de remboursement ;
- Les fichiers d’incidents (FICP, FCC) sont consultés avant tout nouveau crédit ;
- Un banquier qui vous prêterait alors que vous ne pouvez déjà plus rembourser engagerait sa responsabilité.
Vous trouverez pourtant sur Internet des promesses rassurantes : « crédit pour FICP », « prêt pour surendettés », « crédit sans vérification ». Soyons francs : dans la plupart des cas, il s’agit soit :
- De publicités trompeuses pour vous attirer vers des produits très coûteux ;
- De crédits renouvelables hors de prix, qui vont aggraver votre situation ;
- De tentatives d’arnaques pures et simples (faux courtiers, demandes de frais « de dossier » à l’avance, etc.).
Si vous êtes déjà en difficulté, la priorité n’est pas de « trouver un crédit pour surendetté », mais de organiser votre redressement. Et sur ce terrain, vous avez des droits, des recours… et quelques filets de sécurité.
Le dossier de surendettement à la Banque de France : un outil à ne pas sous-estimer
C’est la solution emblématique, et pour beaucoup, le mot fait peur. « Si je dépose un dossier, c’est que je touche le fond ». Pourtant, dans la pratique, c’est souvent le point de départ du redressement.
Le dépôt d’un dossier de surendettement auprès de la Banque de France permet :
- D’arrêter la spirale des poursuites (saisies, relances agressives, etc.) ;
- De geler les intérêts sur certaines dettes ;
- D’obtenir un plan de remboursement adapté à vos moyens ;
- Dans des cas extrêmes, d’aboutir à un effacement partiel ou total des dettes (procédure de rétablissement personnel).
Concrètement, comment ça se passe ?
Vous remplissez un formulaire (disponible sur le site de la Banque de France ou en agence), dans lequel vous détaillez :
- Vos revenus ;
- Vos charges courantes (loyer, énergie, alimentation, etc.) ;
- L’ensemble de vos dettes (crédits, retards de loyers, impôts, dettes diverses) ;
- Votre situation familiale et professionnelle.
La commission de surendettement analyse ensuite votre dossier. Si votre demande est jugée « recevable » :
- Les procédures de recouvrement sont suspendues ;
- Vos créanciers sont informés ;
- Un plan ou des mesures sont envisagés : étalement, réduction des taux, rééchelonnement, voire effacement.
Est-ce un crédit ? Non. Est-ce souvent plus efficace qu’un crédit pour une personne surendettée ? Oui, clairement.
Rachat de crédit ou restructuration : une fausse bonne idée pour les surendettés ?
On confond souvent « crédit pour surendetté » avec « rachat de crédit ». Le rachat de crédit (ou regroupement) consiste à :
- Faire racheter plusieurs crédits existants par un nouvel organisme ;
- N’avoir plus qu’une seule mensualité, plus faible, sur une durée plus longue.
Sur le papier, c’est séduisant. Dans la pratique, un rachat de crédit peut être une solution si :
- Vous n’êtes pas (encore) fiché FICP ;
- Vos revenus sont stables ;
- Votre situation est tendue mais encore récupérable (par exemple, 3 crédits conso et un prêt auto qui pèsent trop lourd, mais pas d’impayés massifs).
Dès qu’on passe dans une situation de surendettement caractérisé, les choses se corsent :
- Les organismes de rachat de crédit deviennent beaucoup plus frileux ;
- Les taux proposés peuvent être plus élevés ;
- La durée de remboursement s’allonge fortement, ce qui alourdit le coût total du crédit.
Un exemple typique : Marc, 45 ans, employé, vit seul. Il a :
- 3 crédits à la consommation ;
- Un crédit renouvelable ;
- Un retard de 2 mois de loyer.
Un rachat de crédit peut lui permettre de passer de 800 € de mensualités à 450 €, sur une durée plus longue. Mais si Marc a déjà accumulé des impayés, qu’il est fiché FICP et que ses revenus baissent, les chances d’obtenir ce regroupement deviennent très faibles. À ce stade, le dossier de surendettement est souvent plus réaliste qu’un nouvel emprunt.
Moralité : le rachat de crédit peut être un outil intéressant, mais il doit intervenir avant le surendettement lourd, pas après l’incendie.
Les fausses solutions à éviter absolument
Quand on est en détresse financière, on devient une cible idéale. Certains ne se privent pas d’en profiter. Voici quelques signaux d’alarme à garder en tête :
- Les promesses de crédit « sûr à 100 % » pour FICP : en réalité, ce qui est « sûr », c’est surtout que vous allez payer très cher (ou ne jamais voir la couleur de l’argent).
- Les demandes de frais à avancer : un « courtier » qui exige 200 ou 300 € de frais avant même de monter un dossier de crédit ? C’est non. Les honoraires légitimes sont facturés après réalisation de l’opération, pas avant.
- Le prêt entre particuliers douteux : des annonces miracles sur les réseaux sociaux ou certains forums, avec des taux incroyablement bas et des réponses immédiates. Souvent, derrière, c’est une arnaque (usurpation d’identité, faux virement, etc.).
- Le crédit renouvelable utilisé comme roue de secours : c’est le plus « facile » à obtenir, et aussi celui qui plombe le plus de budgets. Taux élevé, remboursements minimums qui n’en finissent pas, sensation de « cash disponible » alors que c’est une dette permanente.
Une règle simple : plus c’est rapide, facile, sans justificatif, et présenté comme « sans risque »… plus il faut se méfier.
Pistes réalistes pour respirer sans nouveau crédit
Si le crédit bancaire classique n’est plus accessible (ou n’est pas souhaitable), que reste-t-il ? En réalité, plusieurs leviers complémentaires, souvent sous-utilisés.
Négocier directement avec vos créanciers
Ce n’est pas toujours agréable, mais c’est souvent efficace. Contrairement à ce qu’on imagine, la plupart des créanciers préfèrent récupérer quelque chose que rien du tout. Vous pouvez demander :
- Un étalement de la dette sur une durée plus longue ;
- Un report de quelques mensualités, avec reprise à une date donnée ;
- Une réduction des pénalités de retard ;
- Pour les crédits conso, dans certains cas, une baisse du taux ou une révision du contrat.
Approche efficace :
- Ne pas attendre d’être en impayé massif ;
- Être transparent sur votre situation (baisse de revenus, divorce, maladie, etc.) ;
- Proposer un plan réaliste : « Je peux rembourser X € par mois, pas plus ».
Vous ne ferez peut-être pas disparaître la dette, mais vous pouvez la rendre supportable.
Faire le tri radical dans son budget
On ne va pas vous proposer le fameux « arrêtez le café à emporter et tout ira mieux ». En situation de surendettement, l’impact réel se joue sur :
- Le logement : renégociation de l’assurance habitation, éventuel déménagement vers un loyer moins cher, demande d’aides (APL, FSL) ;
- Les assurances : revoir vos contrats (auto, habitation, santé), résilier les doublons ou garanties inutiles ;
- Les abonnements : téléphonie, Internet, plateformes de streaming, box en tous genres ;
- Les frais bancaires : carte haut de gamme, options inutiles, incidents bancaires récurrents.
Un audit complet de vos dépenses peut dégager plusieurs dizaines, parfois quelques centaines d’euros par mois. Cela ne règle pas un surendettement massif, mais cela améliore votre capacité de remboursement dans un dossier Banque de France ou une négociation avec vos créanciers.
Solliciter les aides et dispositifs sociaux
Beaucoup de ménages ne demandent pas les aides auxquelles ils ont droit, par manque d’information ou par gêne. Pourtant, certains dispositifs peuvent faire la différence :
- Aides au logement (APL, ALS) ;
- Fonds de solidarité logement (FSL) pour aider au paiement du loyer ou des factures d’énergie ;
- Aides des caisses de retraite, mutuelles ou comités d’entreprise (secours exceptionnels, prêts sociaux à taux très bas) ;
- CCAS (Centre communal d’action sociale) de votre commune : accompagnement, aide financière ponctuelle, médiation.
Un rendez-vous avec une assistante sociale (en mairie, à la CAF ou dans un hôpital) peut vous aider à faire le point et à activer ces leviers. Ce n’est pas agréable à faire, mais c’est parfois ce qui permet de tenir le temps qu’un plan de surendettement se mette en place.
Prêt social, microcrédit, aide familiale : des alternatives ciblées
Existe-t-il encore des formes de « crédit » accessibles quand les banques ferment leurs portes ? Oui, mais ce ne sont pas des crédits classiques, et ils visent des besoins précis.
Le microcrédit personnel (souvent géré par des associations en lien avec des banques) peut financer :
- Une voiture pour retrouver un emploi ;
- Une formation ;
- Des frais de santé mal remboursés ;
- Une dépense ponctuelle essentielle à l’insertion.
Ce n’est pas un chèque en blanc pour rembourser d’anciens crédits. L’objectif est de vous remettre en capacité de générer des revenus ou de stabiliser votre situation.
Autre piste : l’aide familiale. Emprunter à un proche n’est jamais anodin, mais :
- Vous pouvez formaliser l’emprunt par écrit (reconnaissance de dette) pour éviter les malentendus ;
- Il n’y a pas d’intérêts élevés ;
- Cela peut permettre d’éviter un impayé lourd (loyer, charges de copropriété, etc.).
Là encore, attention : l’idée n’est pas de « faire entrer » la famille dans la spirale de vos crédits, mais de traiter une urgence ponctuelle, en parallèle d’une vraie démarche de traitement du surendettement.
Faut-il passer par un courtier quand on est surendetté ?
Un courtier en crédit classique aura, de toute façon, les mêmes contraintes que les banques : fichage FICP, scores internes, obligations réglementaires. S’il est sérieux, il vous dira rapidement s’il y a ou non une marge de manœuvre.
Dans certains cas, un courtier peut vous aider à :
- Étudier la faisabilité d’un rachat de crédit avant que la situation ne dégénère ;
- Comparer les derniers recours possibles (par exemple, si vous êtes propriétaire avec un peu de marge sur votre bien) ;
- Vous rediriger vers les bons interlocuteurs (avocat, association de consommateurs, Banque de France, etc.).
En revanche, si un « courtier » vous garantit monts et merveilles malgré un FICP récent, des impayés multiples et une situation professionnelle instable… la prudence s’impose. Un professionnel sérieux connaît les limites du crédit et ne vous vendra pas l’illusion qu’un nouvel emprunt va effacer des années de déséquilibre.
Changer de regard sur l’argent et les crédits
Le surendettement n’est pas qu’un problème de chiffres, c’est aussi une histoire de rapport à l’argent. Pendant des années, les crédits à la consommation ont été présentés comme un produit banal, presque anodin. « 30 € par mois, qui dirait non ? »
Le problème, c’est la somme de tous ces « petits » engagements.
Après un passage par la case surendettement, beaucoup de personnes témoignent d’un changement radical :
- Refus des crédits renouvelables ;
- Utilisation plus systématique de l’épargne (même modeste) pour les dépenses imprévues ;
- Retour à une gestion plus « cash », plus lisible ;
- Recours au crédit uniquement pour deux grandes catégories : le logement et, éventuellement, l’outil de travail (véhicule professionnel, formation qualifiante, etc.).
Vous ne pouvez peut-être pas effacer le passé, mais vous pouvez décider que le crédit ne sera plus un réflexe, seulement un outil ponctuel, utilisé avec des garde-fous.
En résumé : quand le crédit n’est plus la solution, que faire ?
Si vous êtes surendetté, ou en train de basculer :
- Ne comptez pas sur un « crédit miracle pour surendetté » : il n’existe pas, ou alors au prix fort, au sens propre comme au figuré.
- Regardez sérieusement le dossier de surendettement : c’est un outil encadré, qui peut vous protéger et organiser un redémarrage.
- Activez tous les leviers réalistes : négociation avec les créanciers, optimisation du budget, aides sociales, microcrédit ciblé, accompagnement associatif ou social.
- Méfiez-vous des solutions rapides et miraculeuses : si c’était si simple, les banques elles-mêmes les proposeraient.
Se retrouver en surendettement n’est jamais agréable, mais ce n’est pas une fatalité définitive. Le vrai tournant, ce n’est pas l’obtention d’un nouveau crédit, c’est le moment où vous décidez de reprendre la main, avec les bons outils et les bons interlocuteurs.
