Le crédit relais est-il toujours pertinent dans un marché en tension

Le crédit relais est-il toujours pertinent dans un marché en tension

Le crédit relais est-il toujours pertinent dans un marché en tension

En période de turbulences sur le marché immobilier, les particuliers désireux de vendre pour acheter aussitôt se retrouvent face à un dilemme bien connu : comment financer un nouveau bien alors que leur ancien n’est pas encore vendu ? Le crédit relais, souvent mis en avant comme solution transitoire, est-il toujours aussi pertinent dans un contexte de marché tendu ? C’est justement ce que nous allons décortiquer ici, avec l’œil pragmatique d’un ancien conseiller terrain.

Qu’est-ce qu’un crédit relais, en quelques mots ?

Le crédit relais est une avance consentie par une banque pour permettre à un propriétaire de financer immédiatement l’achat d’un nouveau logement, dans l’attente de la vente de son bien actuel. Ce prêt est donc temporaire, souvent accordé pour une durée de 12 à 24 mois, remboursable en une seule fois (généralement à la vente du bien initial). Il vient généralement en complément d’un crédit immobilier classique, si le prix du nouveau logement est supérieur à la valeur estimée de l’ancien.

Mais en contrepartie de cette souplesse, le crédit relais n’est pas sans risque, notamment dans un contexte où les délais de vente s’allongent et les acheteurs se raréfient.

Un réflexe immobilier qui date… mais toujours d’actualité ?

Le crédit relais a longtemps été un outil incontournable des ménages en mobilité. On vend son T2 en ville pour acheter plus grand en périphérie, on anticipe un déménagement pour cause de mutation, ou l’on saute sur une belle opportunité avant qu’elle ne nous file sous le nez. Dans ces cas-là, le crédit relais apparaît comme un facilitateur, libérant du temps et de la flexibilité.

Mais depuis la hausse des taux entamée en 2022 et le ralentissement du marché immobilier, cette mécanique bien huilée connaît quelques ratés. Délai de vente rallongé, acheteurs plus frileux, marges de négociation accrues : beaucoup de particuliers se retrouvent « coincés » avec leur crédit relais, parfois à devoir payer deux logements à la fois plus longtemps que prévu.

À ce stade, une question s’impose : vaut-il mieux encore utiliser le crédit relais, ou faut-il le ranger au placard ?

Les risques accrus du crédit relais en marché tendu

Dans un marché fluide, le crédit relais fonctionne comme un coup de turbo. Mais quand le marché patine, l’outil peut vite devenir un frein. Voici les principaux écueils à considérer :

  • Difficulté de vendre le bien existant dans les temps : Lorsque le marché est ralenti, il n’est pas rare que les ventes prennent 6 mois, voire plus. Or, pendant toute cette période, l’emprunteur paie les intérêts du crédit relais (souvent compris entre 1,5 % et 3 %), sans bénéficier de revenus supplémentaires.
  • Décote sur le prix estimé : Le montant octroyé dans un crédit relais est généralement de 50 à 80 % de la valeur estimée du bien mis en vente. En marché baissier, les biens se vendent souvent en dessous du prix espéré, créant un trou de financement à l’arrivée.
  • Poids psychologique et financier : Supporter deux logements (assurances, taxe foncière, charges, intérêts) peut générer un stress important. Si la vente tarde, cela crée une pression qui peut pousser à brader son bien pour s’en défaire rapidement.

En somme, le crédit relais devient de plus en plus risqué quand l’incertitude s’installe. Et mieux vaut ne pas sous-estimer ce facteur, surtout si vous ne pouvez pas vous permettre une double charge longtemps.

Y a-t-il encore des cas où le crédit relais s’impose ?

Fort heureusement, le crédit relais n’est pas à bannir totalement. Il peut encore s’intégrer dans des stratégies bien pensées. Voici quelques situations où ce type de prêt garde tout son sens :

  • Vous avez un bien « liquide » : Un appartement bien situé, bien rénové, et affiché à un prix cohérent reste recherché, même quand le marché est tendu. Si plusieurs agences vous confirment qu’il partira vite, le relais peut être envisagé.
  • Vous bénéficiez d’un filetage financier : Une épargne de précaution suffisante, un endettement raisonnable ou des revenus stables permettent d’encaisser plus sereinement un éventuel délai de plusieurs mois.
  • Vous optez pour un relais adossé (relais achat-revente) : Certaines banques proposent des solutions innovantes qui intègrent automatiquement le prêt relais à une offre globale, avec report d’échéance ou lissage des mensualités. Ces formules offrent un confort intéressant.

En revanche, fuyez le crédit relais si vous êtes déjà proche du taux d’endettement maximal ou si votre bien à vendre souffre d’un défaut objectif (localisation peu attractive, travaux à prévoir, faible performance énergétique…). La prudence, ici, vaut de l’or.

Quelques alternatives au crédit relais… trop souvent négligées

Lorsqu’on ne souhaite pas s’engager dans un crédit relais, d’autres stratégies peuvent être envisagées, parfois plus adaptées au climat actuel :

  • La vente en cascade accompagnée : Il s’agit de vendre son bien avant de chercher activement un nouveau logement. Cette méthode nécessite une grande réactivité, mais sécurise votre budget. Certains acquéreurs acceptent même une clause suspensive liée à la recherche d’un nouveau logement par le vendeur, sous délai fixé.
  • La location temporaire de transition : L’idée : vendre son bien, empocher les fonds, et se loger temporairement en location (souvent meublée) en attendant de trouver l’achat idéal. Ce scénario plaît de plus en plus aux jeunes actifs et familles déménageant de grande ville.
  • La négociation avec acheteur et vendeur : Il n’est pas rare qu’un vendeur accepte de réserver un bien quelques semaines, le temps que vous finalisiez votre vente, surtout si votre dossier est solide. Inversement, un acheteur de votre bien peut lui aussi accepter un différé de livraison.

Autant de solutions hybrides qu’il ne faut pas négliger, surtout quand on priorise la prudence. Et qui sait, avec un peu de doigté, on parvient parfois à éviter le crédit relais sans sacrifier son projet.

Un conseil de terrain : sécuriser avant d’accélérer

Au fil de mes années en agence, j’ai vu trop de foyers s’emballer pour une maison coup de cœur avant même d’avoir défini leur stratégie de vente. Résultat : course contre la montre, pression bancaire, négocations bâclées. Dans le contexte actuel, cette approche à l’ancienne peut se payer cher.

Une bonne préparation reste la clé. Voici quelques étapes à bien baliser avant d’envisager un crédit relais :

  • Faites passer au moins deux agences pour estimer votre bien de manière réaliste.
  • Vérifiez votre capacité d’emprunt en intégrant les mensualités potentielles du crédit relais.
  • Préparez dès maintenant le dossier complet de votre bien à vendre (diagnostics, charges, taxe foncière) pour fluidifer la mise sur le marché.
  • Échangez en amont avec votre banque ou votre courtier pour connaître les conditions détaillées du crédit relais dans votre cas précis.

Et surtout, rappelez-vous que le crédit relais n’est qu’un outil : il ne règle pas les problèmes de fonds. Il est là pour faciliter une transition, pas pour masquer des failles dans la stratégie globale. Faites-en un levier, pas un pansement mal placé.

Crédit relais : toujours utile, mais à manier avec précaution

En résumé, le crédit relais reste une option viable si – et seulement si – elle s’intègre dans une stratégie de financement bien pensée, et adaptée au marché actuel. Face à un environnement plus incertain, il devient crucial de ne pas sauter les étapes et de jouer la carte de la prudence.

Le conseil que je donne souvent aux lecteurs : réfléchissez comme un investisseur, pas comme un coup de cœur. Évaluez les risques, scénarisez les options B et C, et entourez-vous des bons experts, qu’il s’agisse d’un courtier ou d’un agent immobilier rompu aux négociations. Car oui, dans un marché tendu, c’est souvent votre capacité à bien négocier… qui fera toute la différence.