Vous avez l’impression que votre salaire « disparaît » quelques jours après être tombé ? Vous n’êtes pas seul. La plupart des ménages connaissent le montant de leur revenu… mais beaucoup moins leur reste à vivre. Or c’est ce chiffre qui détermine vraiment votre marge de manœuvre, votre confort de vie et votre capacité à emprunter.
Dans cet article, je vous propose une méthode simple, des repères concrets et des outils pratiques pour calculer, suivre et surtout améliorer votre reste à vivre. Objectif : reprendre le contrôle sur votre budget, sans passer vos soirées dans des tableaux Excel interminables.
Qu’est-ce que le reste à vivre ?
Le reste à vivre, c’est tout simplement la somme qui vous reste chaque mois une fois que vous avez payé l’ensemble de vos charges « incompressibles ». Dit autrement : c’est ce qui reste pour manger, se déplacer, s’habiller, épargner, sortir… bref, vivre.
On peut le résumer ainsi :
Reste à vivre = Revenus nets – Charges fixes
Les banques l’utilisent beaucoup lors d’une demande de crédit. Pourquoi ? Parce que deux emprunteurs à 35 % d’endettement n’ont pas du tout la même situation si l’un a 800 € de reste à vivre et l’autre 2 000 €. C’est ce montant qui permet de juger si un projet est réellement supportable.
Pour vous, c’est un indicateur de :
- sécurité : capacité à absorber un imprévu (panne de voiture, facture surprise) ;
- confort : marge pour les loisirs, vacances, petits plaisirs ;
- progression : possibilité de mettre de l’argent de côté chaque mois.
Comment calculer votre reste à vivre : la méthode simple
On oublie les modèles compliqués : vous pouvez faire ce calcul en 15 minutes avec un relevé de compte et une calculatrice (ou un tableur). Voici les étapes.
1. Listez vos revenus nets stables
Ne retenez que les revenus récurrents et relativement sûrs :
- salaire net (après charges sociales) ;
- pensions, retraites ;
- allocations régulières (APL, allocations familiales…) ;
- revenus locatifs stables, si vous êtes propriétaire bailleur.
Évitez d’intégrer des primes exceptionnelles ou des heures sup aléatoires, sauf si elles sont vraiment structurelles.
2. Listez vos charges fixes mensuelles
Une charge fixe est une dépense qui revient chaque mois, pour un montant plus ou moins prévisible, et qu’il est difficile de supprimer rapidement. Par exemple :
- loyer ou mensualité de crédit immobilier ;
- crédits à la consommation, crédit auto, rachat de crédit ;
- assurances (habitation, auto, santé, prévoyance) ;
- abonnements (téléphone, internet, plateformes, transports…) ;
- énergie : électricité, gaz, parfois eau si forfait mensuel ;
- frais de garde d’enfants, cantine, scolarité ;
- pension alimentaire versée ;
- impôts mensualisés (impôt sur le revenu, taxe foncière si mensualisée).
Ne mettez pas encore l’alimentation ou le carburant : ce sont des dépenses importantes, mais variables. On y revient dans un instant.
3. Calculez votre reste à vivre brut
Appliquez la formule :
Reste à vivre brut = Revenus nets – Charges fixes
Par exemple, pour un couple :
- Revenus nets du foyer : 3 200 € ;
- Charges fixes : loyer 850 €, crédits 300 €, assurances 120 €, abonnements 110 €, énergie 140 €, impôts 80 € = 1 600 €.
Reste à vivre brut = 3 200 – 1 600 = 1 600 €
C’est ce montant qui servira ensuite à financer le reste : alimentation, carburant, entretien, habillement, loisirs, épargne, etc.
4. Affinez avec votre « budget vie courante »
Pour gérer votre budget au quotidien, il peut être utile d’aller plus loin :
Reste à vivre disponible = Reste à vivre brut – Dépenses courantes obligatoires
Les dépenses courantes obligatoires incluent par exemple :
- alimentation de base ;
- carburant ou transports ;
- frais de santé non remboursés habituels ;
- frais d’entretien courant (maison, voiture).
En reprenant l’exemple précédent, si ce couple dépense en moyenne 900 € par mois sur ces postes, il lui reste :
1 600 – 900 = 700 € de reste à vivre disponible
Ce sont ces 700 € qui pourront aller vers les loisirs, les vacances, les projets et l’épargne.
Quelles dépenses inclure… et lesquelles laisser de côté ?
Une des erreurs les plus fréquentes est de mélanger toutes les dépenses dans le même calcul. Pour que votre reste à vivre soit un outil utile, il faut bien distinguer :
Les charges fixes (à inclure absolument)
- loyer ou mensualité de crédit immobilier ;
- tous les crédits ;
- assurances obligatoires et importantes ;
- abonnements et contrats avec engagement.
Les dépenses variables essentielles
- courses alimentaires ;
- carburant, tickets de transport ;
- dépenses de santé régulières.
Celles-ci servent surtout à affiner et à comprendre votre réalité de terrain, mais les banques les intègrent rarement de manière fine dans leurs calculs.
Les dépenses discrétionnaires (à suivre à part)
- restaurants, sorties, loisirs ;
- achats coup de cœur (vêtements, gadgets, déco…) ;
- vacances, week-ends ;
- petites dépenses invisibles : cafés, livraisons, achats in-app…
Ces dépenses doivent plutôt être gérées avec un budget dédié, une enveloppe ou un plafond mensuel, plutôt que mélangées aux charges fixes.
Quel reste à vivre est considéré comme « correct » ?
La réponse honnête : ça dépend de la taille du foyer, de la zone géographique et du niveau de vie. Mais il existe quelques repères utilisés dans la pratique bancaire.
Beaucoup de banques raisonnent en montant minimal par personne dans le foyer :
- une personne seule : autour de 800 à 900 € minimum ;
- un couple : autour de 1 200 à 1 500 € ;
- par enfant à charge : souvent 200 à 300 € supplémentaires.
Ce ne sont pas des normes officielles, mais des ordres de grandeur observés dans les politiques de crédit. Certaines banques se montrent plus souples, d’autres plus strictes, surtout pour les revenus modestes.
Autre repère utile : le taux d’effort. On conseille généralement de ne pas dépasser 35 % d’endettement, mais deux familles à 35 % n’auront pas la même capacité à vivre correctement si leurs revenus sont différents. C’est pour cela que le reste à vivre est plus parlant.
En pratique, pour un confort minimal :
- en dessous de 600 € par mois et par adulte, la situation devient tendue ;
- entre 600 et 900 €, c’est gérable mais sans grande marge ;
- au-delà, vous pouvez plus facilement épargner et absorber les imprévus.
Exemples concrets de reste à vivre
Cas 1 : Célibataire en location
- Salaire net : 1 900 € ;
- Loyer : 650 € ;
- Crédit auto : 150 € ;
- Assurances : 80 € ;
- Abonnements + énergie + impôts : 220 €.
Charges fixes : 1 100 €
Reste à vivre brut : 1 900 – 1 100 = 800 €
Avec 300 € de dépenses courantes essentielles (courses, transports), il lui reste environ 500 € pour le reste. C’est correct, à condition de ne pas multiplier les crédits consommation.
Cas 2 : Couple avec deux enfants, propriétaire
- Revenus nets du foyer : 4 200 € ;
- Crédit immobilier : 1 050 € ;
- Crédit auto : 220 € ;
- Assurances : 170 € ;
- Garde + cantine : 260 € ;
- Abonnements + énergie + impôts : 400 €.
Charges fixes : 2 100 €
Reste à vivre brut : 4 200 – 2 100 = 2 100 €
Avec 1 100 € pour l’alimentation, le carburant et les dépenses courantes, il reste 1 000 € disponibles. De quoi épargner régulièrement, même en conservant un bon niveau de confort.
Outils pratiques pour calculer et suivre votre reste à vivre
Vous n’avez pas besoin d’être un as d’Excel pour suivre votre reste à vivre. Quelques outils simples suffisent.
1. Le tableau Excel ou Google Sheets minimaliste
Créez un fichier avec trois onglets :
- Revenus : liste de vos revenus, avec montants mensuels ;
- Charges fixes : loyer, crédits, abonnements, assurances ;
- Vie courante : alimentation, carburant, santé, divers.
Ajoutez des formules simples pour faire les totaux et calculer automatiquement votre reste à vivre. L’avantage : vous voyez en un coup d’œil l’impact d’un nouveau crédit ou d’une hausse de loyer.
2. Les applications de gestion de budget
De nombreuses applis se connectent à vos comptes bancaires et catégorisent vos dépenses. L’important n’est pas de trouver l’appli parfaite, mais celle que vous utiliserez vraiment. Vérifiez qu’elle permet :
- de distinguer charges fixes et dépenses variables ;
- de définir des budgets par catégorie ;
- de suivre votre solde disponible jusqu’à la fin du mois.
3. La méthode des enveloppes (physique ou virtuelle)
Une méthode très efficace pour maîtriser son reste à vivre consiste à répartir le montant disponible en « enveloppes » :
- Enveloppe alimentation ;
- Enveloppe carburant / transports ;
- Enveloppe loisirs ;
- Enveloppe épargne (même modeste).
Vous pouvez le faire en espèces, ou avec un compte courant + un compte secondaire dédié aux dépenses « plaisir ». Quand l’enveloppe est vide, on s’arrête. Radical, mais terriblement efficace.
Erreurs fréquentes à éviter
En tant qu’ancien conseiller financier, j’ai vu revenir les mêmes pièges encore et encore. Les voici.
1. Sous-estimer certaines dépenses
Beaucoup de ménages oublient :
- les petits abonnements accumulés (streaming, cloud, applis…) ;
- les frais bancaires ;
- les achats en ligne « invisibles » (paiement en un clic) ;
- les dépenses irrégulières : Noël, rentrée scolaire, assurances annuelles.
Astuce : prenez 3 mois de relevés bancaires et repérez les dépenses que vous aviez oubliées.
2. Confondre reste à vivre et argent disponible à dépenser
Si votre reste à vivre est de 800 €, cela ne signifie pas que vous pouvez dépenser 800 € sur Amazon chaque mois. Une partie doit idéalement aller :
- à l’épargne de précaution ;
- aux projets (voyages, travaux, achat immobilier futur) ;
- au remboursement anticipé de certains crédits, si possible.
3. Calculer son reste à vivre une fois… et l’oublier
Votre situation évolue : augmentation, nouveau crédit, naissance d’un enfant, déménagement. Votre reste à vivre doit être recalculé dès qu’un poste important change, et au minimum une à deux fois par an.
Utiliser le reste à vivre pour préparer un projet de crédit
Si vous envisagez un crédit immobilier ou un crédit à la consommation, maîtriser votre reste à vivre est un atout. Cela vous permet de :
- savoir à l’avance jusqu’où vous pouvez aller sans vous mettre en difficulté ;
- anticiper les questions du conseiller bancaire ;
- adapter votre projet (montant, durée, type de bien) à vos capacités réelles.
Pour un projet immobilier, procédez ainsi :
- Calculez votre reste à vivre actuel (avec votre loyer).
- Simulez votre future mensualité de crédit à la place du loyer.
- Recalculez votre reste à vivre prévisionnel.
Si le reste à vivre diminue fortement, posez-vous la question : « Est-ce que je me vois vivre avec ce niveau de marge pendant 20 ou 25 ans ? » Si la réponse est non, mieux vaut ajuster le projet maintenant plutôt que de subir plus tard.
Comment améliorer concrètement votre reste à vivre
Une fois le diagnostic posé, que faire si votre reste à vivre est trop faible ? On peut agir sur deux leviers : les revenus et les charges. En pratique, c’est souvent plus rapide sur les charges.
1. Traquer les dépenses inutiles
Prenez votre liste de charges fixes et demandez-vous pour chacune : « Est-ce que j’en ai réellement besoin ? » Vous serez surpris du nombre d’abonnements possibles à supprimer ou renégocier.
2. Renégocier les contrats récurrents
Assurances, box internet, forfait mobile, banque : ces postes peuvent souvent être réduits sans casser votre confort. Une économie de 10 à 20 € par poste, multipliée par plusieurs contrats, peut libérer 100 € de reste à vivre, voire plus.
3. Revoir la structure de vos crédits
Si votre budget est très tendu à cause de plusieurs crédits à la consommation, un rachat de crédits peut parfois :
- réduire significativement les mensualités ;
- au prix d’une durée allongée et d’un coût total plus élevé.
C’est une solution à utiliser avec prudence, mais qui peut redonner de l’air si elle s’accompagne d’un vrai changement d’habitudes de consommation.
4. Automatiser l’épargne, même modeste
Mettre 30, 50 ou 100 € de côté dès le début du mois, sur un livret dédié, peut sembler paradoxal si le reste à vivre est limité. En réalité, cela évite de finir le mois à zéro et de recourir au découvert pour les imprévus. Un petit coussin de sécurité améliore l’équilibre global.
En résumé : faire du reste à vivre votre meilleur indicateur
Maîtriser votre reste à vivre, ce n’est pas devenir obsédé par chaque euro dépensé. C’est simplement connaître votre vraie marge de manœuvre, aujourd’hui et pour vos projets futurs.
En quelques chiffres clés :
- calculez vos revenus nets stables ;
- listez et totalisez vos charges fixes ;
- faites la différence : vous obtenez votre reste à vivre brut ;
- affinez avec vos dépenses courantes pour connaître votre reste à vivre réellement disponible ;
- répétez l’exercice régulièrement et avant tout nouveau crédit.
Une fois ce réflexe acquis, vous regarderez vos projets (achat immo, nouvelle voiture, travaux, voyages) avec un autre œil : celui de la faisabilité réelle, sans stress inutile. Et c’est souvent là que les finances personnelles deviennent enfin un levier, plutôt qu’une source d’angoisse.
